L’exercice du droit de grève ne peut justifier la rupture du contrat de travail, sauf faute lourde imputable au salarié (article L.2511-1 du code du travail).
La grève a été définie par la jurisprudence comme une cessation collective totale et concertée du travail en vue d’appuyer des revendications professionnelles (Cass. soc. 16 mai 1989 n°85-43.359).
Le salarié qui exerce son droit de grève est protégé contre toute mesure discriminatoire et ne peut être licencié sauf faute lourde. Un licenciement prononcé à l’occasion de l’exercice du droit de grève est nul.
Rappelons que la nullité prononcée en violation d’une liberté fondamentale est un motif « contaminant » ; le caractère illicite du motif de licenciement prononcé, même en partie, en raison de l’exercice par le salarié de sa liberté fondamentale entraine à lui seul la nullité du licenciement. Si le juge est tenu d’examiner les autres motifs de licenciement, il ne peut en tenir compte que pour l’évaluation du préjudice.
La Cour de cassation a ainsi appliqué ce principe du motif de licenciement « contaminant » dans un arrêt du 29 juin 2022 (n°20-16.060) rendu en matière de liberté d’expression.
La Cour de cassation entend largement la protection du salarié gréviste et considère qu’elle ne se limite pas « au cas où le licenciement est prononcé pour avoir participé à une grève mais s’étend à tout licenciement prononcé à raison d’un fait commis au cours ou à l’occasion de l’exercice d’un droit de grève et qui ne peut être qualifié de faute lourde ».
Un exemple nous est donné dans un arrêt du 1er juin 2023.
Dans cette affaire, un préavis de grève est régulièrement déposé au sein d’une entreprise pour le 2 juillet. Le déclenchement de la grève est déclaré en fin d’après-midi à l’issue d’une réunion tenue entre la direction et les représentants du personnel. Un salarié bloque pourtant dès le matin l’accès à l’entreprise avec son camion et refuse d’effectuer ses livraisons.
Il est licencié pour acte d’insubordination caractérisé et la lettre de licenciement précise que cet acte est « d’autant plus grave que pour tenter après coup de justifier votre acte, vous avez incité vos collègues à faire grève, compromettant par là-même le devenir économique de la Société et leurs emplois »
La Cour d’appel déboute le salarié de ses demandes relatives à la nullité de son licenciement, considérant que « c’est de façon purement opportune que ce dernier a prétendu avoir été en grève le 2 juillet 2014 alors par ailleurs qu’il ne s’était pas déclaré gréviste et qu’il avait utilisé le système de pointage des entrées et des sorties du personnel le 2 juillet ainsi que le lendemain, date de sa mise à pied conservatoire, sans qu’il se prévale du mouvement de grève alors en cours. »
L’arrêt d’appel est censuré par la Cour de cassation qui rappelle que la protection du droit de grève s’étend aux faits commis à l’occasion de l’exercice du droit de grève et constate que la lettre de licenciement reprochait notamment au salarié d’avoir incité ses collègues à faire grève. Elle en conclut que le licenciement a été pour partie prononcé à l’occasion du droit de grève et encourt donc la nullité.
Si les faits commis par le salarié pouvaient éventuellement légitimer son licenciement, cette mention inopportune de l’incitation à la grève parmi les griefs justifie à elle seule sa nullité.
Cass. soc. 1er juin 2023, n°22-13.304